Marcel HAMONOU, de Plounévez-Moëdec,
arrêté par des feldgendarmes à Coat-Colvé
en Plounévez-Moëdec le 6 mai 1944



Marcel HAMONOU

HAMONOU Marcel
Né le 2 juin 1922 à Plounévez-Moëdec, de parents cultivateurs, demeurant à Coat-Colvé en Plounévez-Moëdec, cultivateur.
Militant communiste s'engagea dans les FTP le 30 avril 1943, matricule 1520.
Responsable sur le secteur de Plounévez-Moëdec - Vieux-Marché de la 2ème compagnie FTP de "La Marseillaise".
Il fut arrêté le 6 mai 1944 par les Allemands, incarcéré à la maison de la Pépinière de Plouaret où il fut martyrisé. Il fut transféré le 14 mai 1944 successivement à l'hôpital de Saint-Brieuc, à la caserne de La Pépinière à Paris et dans un camp disciplinaire près de Leipzig en Allemagne. Libéré par les Américains le 3 avril 1945.

Il participa à différentes actions, en particulier :
- recrutement de jeunes,
- diffusion de la presse clandestine,
- incitation auprès des jeunes de ne pas partir travailler en Allemagne pour le STO,
- coupure de la ligne téléphonique souterraine reliant Brest à Berlin,
- désorganisation des pancartes routières le 15 octobre 1943, la veille de manœuvres allemandes semant la panique parmi eux,
- récupération vers le 15 mars 1944 d'armes entreposées à Milin-Bastien en Loc-Envel sous la responsabilité de Paul NOGRE et Maurice PEIGNE,
- sabotages de la voie ferrée Paris - Brest, dont le dernier provoqua un déraillement le 22 avril 1944 à Saint-Éloi en Louargat à proximité du pont à Keranfiol, qui immobilisa la voie ferrée pendant 12 heures, avec la participation d'Yves TREDAN, Jules BLANCHARD de Trégrom et d'Alexis QUERREC de Plounévez-Moëdec, Marcel m'avait expliqué dans le détail ce déraillement son témoignage figure dans le cahier de la Résistance "La bataille du rail".

Marcel HAMONOU raconte son arrestation

Avant l'occupation, Marcel habitait avec sa famille dans une ferme à Coat-Colvé près du bourg de Plounévez-Moëdec, en arrivant le 20 juin 1940, les Allemands réquisitionnèrent leur habitation obligeant la famille à quitter la ferme et s'installer dans un domicile d'évacuation à Gouardreus, toujours en Plounévez-Moëdec.
En s'engageant dans la Résistance Marcel fut conscient des risques encourus, un soldat autrichien, certainement antinazi, l'averti un jour : "Attention à toi Marcel , tu es surveillé".
Le 15 avril 2000, Marcel m'avait gentiment accordé un moment pour parler de cette période, je le laisse s'exprimer :
Le jeudi 6 mai 1944, à 4h45, toute la famille était au lit, dormant paisiblement, un bruit de voiture suivi d'un freinage brutal faisant aboyer les chiens nous réveilla. Les Allemands arrivèrent dans une voiture Traction avant Citroën, à son bord 5 soldats allemands, l'un d'eux frappa à la porte, ce fut mon père qui lui ouvrit. Dans cette maison, nous étions installés de façon provisoire, tout le monde dormait au grenier. Les Allemands montèrent les escaliers, arrivèrent au grenier, mon frère sortit du lit en premier se présentant face aux Allemands, l'un d'eux lui dit : "Non, ce n'est pas vous mais lui", en me montrant du doigt. Ils étaient bien informés sur mon physique.
Ils m'ordonnèrent de les suivre, en voiture ils me conduisirent dans une baraque située à Prat-Carric, et à cet endroit il me ficelèrent comme une andouille, sans qu'il me soit notifié le motif de mon arrestation, ni leurs intentions à mon égard. Après le départ des 5 soldats allemands, un allemand que je connaissais est venu me voir, il m'a retiré mes liens et m'a dit : "Mon pauvre Marcel, tu es dans de mauvais draps, je ne peux rien pour toi". Il me remis les liens avant l'arrivée d'un groupe de feldgendarmes venant de Plouaret pour me transférer.
Vers 11h, 35 cyclistes allemands traversèrent le bourg de Plounévez-Moëdec, ils furent comptés par un témoin. Ils vinrent me prendre en charge, on put penser qu'ils craignirent une tentative d'attaque pour me libérer. Mes liens furent retirés je fus contraint de monter sur une bicyclette sans freins, encadré en permanence par 2 soldats allemands. Nous primes, les 35 cyclistes et moi, la route de Plouaret pour arriver à la maison de la Pépinière dont je connaissais la sinistre réputation.

Marcel HAMONOU raconte son passage à la maison de La Pépinière de Plouaret

Arrivé à cet endroit, je fus placé dos au mur contre le pignon de la maison en plein soleil pendant environ deux heures et cela sous la garde d'une sentinelle. Après quoi, il me fut ordonné de pénétrer dans la maison et de monter au grenier où se situait la pièce servant de prison. L'un des soldats me dit : "Installez-vous sur ces vêtements posés à terre qui appartenaient à ceux qui ont été fusillés, votre tour viendra aussi". Plus tard j'appris que 10 FTP avaient été transférés à Belle-Isle-en-Terre et à Saint-Brieuc pour y être jugés, ils furent condamnés à mort et fusillés à Ploufragan. C'est dans une des 2 parties du grenier que je fus mis avec des camarades arrêtés la veille, soit : Yves BELLIGUIC, Louis LE VAICHER, Marcel GEFFROY, Yves LE MANSEC et le docteur Ferdinand HUET, tous les 5 de Belle-Isle-en-Terre, ces 2 derniers furent déportés, le jeune Yves LE MANSEC ne reviendra pas de déportation. Dans l'autre partie du grenier, était installé celui qui fut considéré par nous tous comme un dénonciateur.
Nous ne pouvions pas parler à cause de la présence du mouchard, plusieurs fois je dus mettre en garde mes camarades pour qu'ils ne parlent pas. Du 6 au 10 mai, nous restâmes dans ce grenier, 6 d'un côté et 1 de l'autre. C'est par l'intermédiaire de la serveuse du restaurant PIRIOU que nous parvinrent les repas que nos familles durent payer. Au cours de la distribution d'un de ces repas, la serveuse du restaurant me dit en breton : "Tiens bon, Marcel, ils n'ont rien trouvé", ce qui fut pour moi un grand soulagement. En effet, je possédais une liste d'une vingtaine de noms cachés à mon domicile, c'est ma sœur qui a remis cette liste à un agent de liaison du nom d'Alexandre venu récupérer le document compromettant. D'autre part, une mitraillette était aussi cachée, c'est mon frère qui à la barbe des Allemands l'a dissimulée dans une charretée de fumier, l'a transportée dans un champ en cours de labour, puis a réussi à la faire disparaître en faisant semblant de travailler la terre, l'enfouissant sous celle-ci.
Sur moi, j'avais un autre petit papier avec des noms que je réussis à avaler discrètement. Le lundi 10 mai, dans la soirée, 2 soldats allemands entrèrent dans le grenier, tout le monde se leva comme nous fumes obligés de le faire à chaque fois qu'un Allemand entrait dans ce grenier. Les 2 soldats me donnèrent l'ordre de les suivre. Je descendis avec eux d'un étage, on me fit entrer par une porte sur laquelle était écrit MEITTEI, je me suis retrouvé dans une pièce dans laquelle il y avait un lit, une cheminée remplie de bouteilles de cognac. Au sol, des taches noirâtres de sang coagulé. J'étais dans la chambre du capitaine, cette chambre servait de salle de torture. J'étais debout, entouré de 4 ou 5 Allemands, en face de moi il y avait MEITTEI, qui était visiblement ivre, buvant au goulot du cognac, je su par la suite qu'il revenait de Bégard où il avait une maîtresse, celle-ci avait été ce jour-là inquiétée par des Résistants. Voulait-il se venger ?
Toujours est-il que pour moi commença l'interrogatoire, toujours les mêmes questions répétées sans cesse : "Qui est le chef ?", "Combien êtes vous dans le groupe ?", "D'où proviennent les armes ?", "Où ont lieu les parachutages ?", "Que fais-tu la journée ?", je leur ai répondu : "Je travaille la terre", "Que faisais-tu la nuit du 5 au 6 ?", à cette question il me fut facile de lui dire que je dormais puisque à 4h45 ils sont venus me sortir de mon lit. Devant mon refus de répondre aux questions, on me passa les menottes aux poignets, l'interprète allemand se trouvant dans la pièce ordonna que l'on me mette des menottes plus solides, me jugeant costaud. On m'obligea à me baisser afin de faire passer mes coudes entre mes deux genoux écartés, puis ils me passèrent un bâton par les creux des coudes et des genoux, m'obligeant à tomber à terre, complètement immobilisé, la peau tendue par l'effort et la douleur. C'est alors qu'ils s'acharnèrent sur moi à coups de nerfs de bœuf, me retournant de temps en temps. À un moment, MEITTEI me sauta sur l'estomac à pieds joints.
Cette séance de torture dura plus d'une heure entrecoupée toutes les 5 minutes environ par les mêmes questions. Ils me tapèrent à tour de rôle. MEITTEI participa autant que les autres, mais c'est ALFRET le tortionnaire qui fut le plus bestial, c'est lui qui mit le plus d'énergie dans les coups. Comble de raffinement dans la torture, un tortionnaire me tint l'avant-bras posé sur une table, il m'obligea à serrer le poing, un autre tortionnaire à l'aide d'un marteau me donna un violent coup de marteau sur l'os de l'index au niveau du poing déplaçant du même coup cet os, ce fut une douleur épouvantable.
Alors que la porte fut entrouverte, j'entendis quelqu'un dire dans le couloir à MEITTEI : "Surtout, ne lui dites pas que c'est moi", j'ai pu identifier avec certitude la voix de l'individu.
Je n'ai pas lâché un nom, je me fus engagé auprès de mes camarades du groupe à ne dénoncer personne, plutôt crever que de parler.
La séance de torture terminée, je fus reconduit au grenier avec mes camarades, mes reins, mon dos, mes cuisses, mes bras furent de la couleur d'un foie de veau virant parfois au noir, toutes mes chairs étaient meurtries, je souffrais énormément, je ne pu m'asseoir ou m'allonger, ce fut une souffrance permanente.
Le Docteur Ferdinand HUET me conseilla de ne pas toucher ma peau meurtrie, de peur qu'elle éclata comme une ampoule et qu'elle ne s'infecta par la suite.
Ces séances de torture furent répétées pendant 3 à 4 jours avec la même intensité. Il me fallu par la suite 6 mois pour pouvoir à nouveau m'asseoir normalement sur une chaise tant les chairs furent meurtries.
Nous avions droit à une sortie tous les jours, pour nos besoins personnels. Alors, nous nous organisâmes pour évacuer nos urines à l'aide d'une boite de conserve trouvée sur place, dont nous jetâmes le contenu par le vasistas situé sur la toiture. Les Allemands s'en aperçurent, les coups alors redoublèrent.
Lors d'une sortie qui nous fut accordée chaque jour, un soldat allemand me dit : "Pourquoi êtes-vous ici ?", je lui ai répondu : "Je sais pas", il me dit à son tour : "C'est une lettre de dénonciation", sans que je puisse en savoir davantage.
L'un des tortionnaires de la maison de La Pépinière de Plouaret figurait dans les 7 Allemands tués le 17 juin 1944 à La Lande en Ploubezre au cours d'une embuscade tendue par un groupe de 5 FTP commandé par Corentin ANDRE le capitaine MAURICE, groupe composé de Franz PETREI déserteur Autrichien enrôlé de force dans l'armée allemande, Jacques GUENNEC, Jean QUÉRÉ originaire de Ploubezre et servant de guide et Jean LE BIHAN.


voir témoignage de l'embuscade

voir témoignage sur les exaction commises à la maison de la pépinière de Plouaret

C'est de cette façon que Marcel HAMONOU, comme beaucoup d'autres a été martyrisé à la Maison de La Pépinière de Plouaret par le tueur Meith.
Le docteur Huet de Belle-Isle-en-Terre détenu avec Marcel lui dira : "Marcel ne touches pas à ton dos il est comme du foie de veau".

cette technique était déja utilisée
par les colons avec les esclaves

Marcel HAMONOU raconte son départ pour Saint-Brieuc, Paris et l'Allemagne

Vers le 14 mai, mes 5 camarades et moi, encadrés par des soldats, nous quittâmes la maison de la Pépinière, pour emprunter un chemin menant directement à la voie ferrée Paris-Brest, puis nous la longeâmes pour arriver à la gare de Plouaret. Les Allemands évitèrent ainsi de nous faire passer dans les rues de Plouaret, craignaient ils des réactions de la population ou de nos camarades ?
Nous primes le train, toujours bien encadrés, pour arriver à Saint-Brieuc où nous fûmes placés à l'hôpital qui servait d'hébergement de personnes arrêtées et gardées par des gendarmes français au service des nazis.
Là, je reçus quelques soins, ma sœur put me rendre visite accompagnée de Madame LE VAICHER (qui demeure toujours à Belle-Isle-en-Terre) dont le mari, Louis, fut prisonnier avec moi.
Une autre fois, c'est mon frère qui put me rendre visite, la durée de ces visites était très courte et sous surveillance.
Louis LE VAICHER, Yves BELLIGUIC et Marcel GEFFROY furent libérés à cet endroit.
Vers le 22 mai, Yves LE MANSEC, le docteur Ferdinand HUET et moi furent envoyés par le train à Paris encadrés par des gendarmes français en compagnie de camarades arrêtés lors d'une rafle à Maël-Pestivien.
Mon arrestation comme celle de mes camarades ne fut pas le fruit du hasard, pour ma part j'eus la certitude de l'identité du dénonciateur.
Nous passâmes environ une quinzaine de jours dans la caserne de La Pépinière à Paris.
À nouveau en train, nous fûmes conduits en Allemagne, je crois me souvenir que le passage de la frontière fut le jour du débarquement des alliés en Normandie, soit le 6 juin 1944.
Après 4 ou 5 jours de train, je fus envoyé dans un camp disciplinaire aux environs de Leipzig dans lequel était fabriqué de l'armement, je fus affecté à réparer des machines-outils endommagées après les bombardements de l'aviation anglaise, moi qui n'y connaissais rien à la mécanique.
La vie dans ce camp fut très dure car nous étions astreint à un travail très pénible. Il fallut lutter contre la faim et le froid.
La libération du camp eut lieu le 3 avril 1945, par l'armée américaine du général PATTON.

De retour d'Allemagne à Plounévez-Moëdec

C'est à son retour d'Allemagne que Marcel appris le sort tragique subi par ses camarades de combat :
- les 3 FTP de Plounévez-Moëdec Louis LE MAITRE, Armand OLLIVIER et Jean LE QUERE assassinés le 10 juillet 1944 à Malaunay en Ploumagoar,
- les 7 FTP de La Marseillaise de Plouaret fusillés le 6 mai 1944 à Ploufragan,
- les 3 FTP de Loc-Envel Paul NOGRE, Maurice PEIGNE, Marcel LE GUILLERMIC et François TOUBLOULIC de La Chapelle-Neuve fusillés à Rennes le 23 juin 1944,
- mais aussi les 12 habitants du Dresnay arrêtés lors d'une rafle qui disparaîtront en camp de concentration,
- les 2 habitants du Marquès en Plounévez-Moëdec Théophile OGEL et Yves Marie ROUDAUT eux aussi assassinés à Belle-Ile-en-Terre le 7 août 1944,
- la déportation d'Auguste BOLEAT, d'Yves LEON et de Jules PATAOU qui ne reviendra pas,
- sans oublier le camarade de Marcel le maire communiste de Plounévez-Moëdec déchu le 7 décembre 1939 par Vichy Jean-Baptiste LE CORRE arrêté le 14 juin 1944 qui passera lui aussi entre les mains des tortionnaires de la Pépinière de Plouaret et disparaîtra en camp de concentration.
Marcel ne les a pas jamais oubliés.
A son retour d'Allemagne Marcel s'installera pour quelques années avec son épouse Simone dans une petite exploitation agricole au Cliour en Plounévez-Moëdec, puis il travaillera comme maçon dans l'entreprise LE GUEN de Plounévez-Moëdec, enfin son dernier emploi sera celui de garde champêtre pour sa commune. Son état de santé devenu défaillant conséquence des séquelles de son passage à La Pépinière de Plouaret et des privations subies en Allemagne l'obligera à cesser toute activité, il fut reconnu inapte à travailler et sera pensionné.
Après avoir combattu dans la bataille du rail en 1944 en faisant des sabotages sur la ligne Paris - Brest, il participa à sa seconde bataille du rail par sa présence aux arrêts de trains pour la défense des gares du Trégor et de la ligne Plouaret - Lannion.
La dernière fois que Marcel est apparu dans une cérémonie ce fut lors de l'inauguration du monument du parking de la gare de Plouaret, monument dédié aux différentes batailles du rail, c'est son grand ami Lucien KERLOUET qui l'aida lors de ce déplacement physiquement difficile pour lui déjà à l'époque.
Marcel HAMONOU est décédé le 26 février 2010 à son domicile rue Jean Moulin en Plounévez-Moëdec, il a été inhumé civilement dans sa commune natale, un hommage lui a été rendu par ses camarades de l'ANACR dont il était adhérent.

Serge TILLY